Comme à ceux de son époque et comme la technique photographique le requiert, Émile Vignes nous demanderait, aujourd'hui, de prendre le temps, celui d’un regard.
En nous offrant ses images, il nous fait partager sa passion pour la photographie pour un territoire qu'il défendra tout au long de sa vie.
Homme de la terre et homme de l'intérieur, c’est un photographe de la vie de tous les jours. Il développe une activité commerciale (portraits, mariages, fêtes) qui le mène parfois d'un bout à l'autre du " pays ". Arpentant les Landes, il s'engage aussi dans un travail personnel sur le paysage. Allant et venant des contreforts des Pyrénées au Bassin d'Arcachon, en passant de la Chalosse au Marensin, longeant la côte océane du nord au sud, observant tout au long de son existence la vie de ceux qui l'entourent, les paysages et les variations de la lumière, il éprouve sa technique et affirme son esthétique.
Homme engagé, il est un fervent défenseur des Landes, de ses habitants, de ses traditions, de sa diversité naturelle qui n'apparaît pas au premier «coup d'œil». Le collecteur d'images, n'aura de cesse tout au long de sa carrière de valoriser son territoire, d’en faire partager sa connaissance intime, afin d'en préserver la mémoire.
Émile Vignes dans son village
Émile Vignes tenait une épicerie au centre de Castets. Voici ce qu’il dit :
« En 1919, je me suis marié au plus vite car il fallait être deux pour tenir le magasin. Il fallait tout peser. Le sucre, on le recevait d'Amérique par sacs de cinquante kilos. On a fait ce travail pendant cinq ou six ans. Vers 1925-1926, je me suis mis à mon compte… j'avais un beau magasin… on vendait de l'alimentation, de la quincaillerie, des articles de ménage et des photographies. »
C’est ainsi, qu’avec son épouse Alexia, il tiendra son épicerie de longues années. Cependant, il consacrera de plus en plus de temps à la photo. Émile Vignes veut faire en sorte que la photographie soit accessible à tous. Ses images rencontrent leur premier succès là où les habitants viennent faire leurs provisions.
Peu à peu, il acquiert de l'expérience, ses images apparaissent plus sûrement; il se cultive, s'abonne à des revues de photographie et compulse des ouvrages. Il découvre l'œuvre de ses prédécesseurs Félix Arnaudin (1844-1921) et Ferdinand Bernède (1869-1963) auxquels il voue une grande admiration. Dans la continuité et le respect de leur travail, Émile Vignes entreprend et construit, à force d’images, son propre regard.
Quel que soit son engagement photographique, il fait un travail de mémoire et il en est conscient. Témoin de la vie sociale, il se hisse en reporter du quotidien et plus encore les jours de fêtes. À chaque grande manifestation, kermesse, bal, carnaval, rassemblement sportif, le photographe se pose en observateur.
Les images qu'il rassemble de 1920 à 1950 constituent aujourd'hui une chronique photographique sensible, Le photographe connaît son "pays" mais il connaît surtout les hommes et les femmes qui y vivent. Comme ses prédécesseurs Félix Arnaudin et Ferdinand Bernède il photographie ceux qui l’entourent et part à la rencontre des autres. Ceux qui travaillent dans les champs, en forêt, à la ferme ou sur les marchés, ceux qui se réunissent à l'occasion d'un mariage ou d'un baptême, ceux qui le dimanche s'offrent un moment de détente. Tout au long de sa vie, il va, à la manière d'un ethnographe, s'enquérir d'histoires, celles qu'il nous conte à son tour en images à travers ces gestes et ces visages.
Émile Vignes, mémoire de son village…
Fidèle à sa terre qu'il n'a jamais quittée, en fixant à jamais les événements de son village du plus insolite au plus quotidien, il restera le grand témoin de son temps.
"Inondant" Castets et ses familles de clichés, Émile Vignes a laissé un patrimoine considérable pour sa commune.
Pourtant « Nul n’est prophète en son pays … ! ». Sa grande humilité, son activité lui imposant d’être témoin et non acteur ont fait que longtemps il sera perçu par ses propres concitoyens davantage comme le commerçant et photographe sympathique de son village que comme le véritable artiste paysagiste qu’il fut.